Avec la saison 2 de « The Witcher » qui débarque le 17 décembre, et après la série d’animation « Arcane », tirée de l’univers de « League of Legends », Netflix renoue avec sa passion pour les univers aperçus en jeu vidéo. Créatrice de la série, Lauren Schmidt Hissrich nous explique comment un jeu, une série et le livre dont ils en sont issus, ne font finalement qu’une seule et même œuvre.
Le jeu vidéo est devenu une manne intéressante pour Netflix, aussi bien financière que créative. Depuis des années, et bien avant de lancer son propre service Netflix Jeux, le service de streaming vidéo est allé piocher du côté de l’art vidéoludique la source d’inspiration de ses films et séries, quand il ne travaille pas directement avec les éditeurs eux-mêmes pour adapter leurs sagas emblématiques.
Deux divertissements qui se comprennent, s’inspirent mutuellement et, finalement, trouvent un terrain d’entente pour faire avancer conjointement l’industrie culturelle. Ainsi, Netflix a déjà eu à son catalogue d’Originals des contenus liés à Castlevania, Carmen Sandiego, Les Lapins Crétins, Minecraft, Angry Birds… sans compter sur les prochains films inspirés de Uncharted, Resident Evil, Final Fantasy ou encore The Division et Splinter Cell. Même des séries animées autour de Cyberpunk 2077 et Cuphead ont été annoncées. N’en jetez plus, le catalogue est plein !
La pop culture en terreau de la créativité
À coup de millions de dollars et de projets ambitieux, bien souvent magistralement mis en images, Netflix se construit donc une image d’icône pop culture encore plus indéboulonnable. L’américain avait déjà la hype, il sait s’ancrer dans son époque et même plus largement en allant remettre au goût du jour d’anciens héros à travers des documentaires comme l’excellent High Score qui revient sur les moments marquants de l’histoire du jeu vidéo. Et dernièrement, c’est Arcane, la série française tirée de l’univers de League of Legends, qui a été couverte d’éloges et a permis de faire découvrir le MOBA originel à ceux qui étaient passé à côté.
Alors, forcément, quand un nom connu du petit monde du jeu vidéo s’annonce au programme de Netflix, les yeux des joueurs s’ouvrent grands pour voir comment leurs héros de pixels vont prendre vie en streaming. Décembre marque ainsi le retour d’une saga à succès, qui a marqué les esprits autant par son univers que par sa réalisation et la force de sa proposition. The Witcher arrive sur le service le 17 décembre pour de nouvelles aventures du Sorceleur, chasseur de monstres ayant subi des mutations pour contrôler ses pouvoirs.
Certes, les plus connaisseurs nous diront qu’il ne s’agit initialement pas de l’adaptation d’un jeu vidéo, mais d’une série de livres d’Andrzej Sapkowski. C’est vrai et ce sont ceux-là même qui ont donné naissance à The Witcher en jeu vidéo en 2007 sur PC avant d’atterrir sur console dès l’année suivante. Deux autres jeux inspirés de l’œuvre de l’auteur polonais suivront jusqu’en 2015 avant que Netflix n’en fasse une série à succès en 2019. Celle-ci met en scène les destins croisés de trois personnages, Geralt de Riv (Henry Cavill), la magicienne Yennefer (Anya Chalotra) et la princesse Ciri (Freya Allan), qui parcourent le Continent pour accomplir leur destinée.
The Witcher le jeu qui inspire The Witcher la série
Qu’on le veuille ou non, c’est forcément l’idée qu’on s’est faite en se basant sur le jeu vidéo qui va déterminer notre première impression visuelle. Un élément qui a été pris en compte dans la conception de la série pour rester fidèle à l’esprit, s’attirer les bonnes grâces des fans de la saga, mais aussi pour piocher des idées dans la conception visuelle.
« Ce que j’ai retenu du jeu, c’est moins la façon dont les personnages étaient représentés, leur apparence physique, car nous avions de vrais acteurs à engager qui soient surtout capables d’incarner les rôles, » explique à Frandroid Lauren Schmidt Hissrich, la créatrice de la série Netflix, également à l’origine du film d’animation The Witcher : le Cauchemar du loup. « En revanche, la beauté du Continent est directement inspirée de celle du jeu. Dans de nombreux films et séries se déroulant à l’époque médiévale, tout est souvent sombre, pluvieux, gris et poussiéreux. Alors que dans The Witcher (le jeu, NDLR), j’ai découvert un environnement assez joyeux par moment, un coucher de soleil sur un lac qui m’a marqué et que je voulais aussi. »
Les décors conçus par les équipes de CD Projekt RED, créateur du jeu, ont donc directement inspiré ceux du tournage. « Lorsque nous avons commencé la conception de la série, nous avons beaucoup parlé d’avoir de la couleur, du soleil, une façon d’être sûr en quelque sorte qu’il y avait encore de la joie dans ce monde malgré les tragédies », se rappelle-t-elle. « Je pense que c’est ce qui différencie The Witcher de beaucoup d’autres séries d’heroic fantasy à la télévision. »
Henry Cavill, un joueur avant d’être Sorceleur
Pour incarner son héros, la créatrice sait qu’elle a pu compter sur un Henry Cavill resté fidèle à l’image du Sorceleur que le jeu avait fait naître. « C’est un grand fan des jeux et des livres. Ce qu’il a fait pour incarner Geralt était fabuleux », s’enthousiasme celle qui sait combien il était important que son héros plaise aux joueurs. « J’ai été incroyablement surprise par l’accueil chaleureux de la série. Non pas pas parce que je pensais que ce serait le contraire, mais parce que nous ne savions pas à quoi nous attendre de la part d’un public aussi connaisseur ».
Car elle avoue avoir puisé son inspiration dans les livres, les jeux vidéo, mais aussi son propre esprit. « Pour la saison 2, nous sommes vraiment dans la saga, notamment avec le premier livre, Le Sang des Elfes, qui était probablement le plus difficile à adapter », explique Lauren Schmidt Hissrich. « Nous avons créé une partie de notre propre histoire pour nous assurer que les personnages auraient suffisamment d’élan, que le public serait réceptif au redémarrage. Il y a davantage notre touche personnelle dans cette saison. » Et pour cela, avoir des personnages forts est essentiel. C’est sans doute pour cette raison que ceux de Yennefer et Ciri ont plus de liberté dans la série que dans les livres ou même le jeu.
The Witcher série a donc emprunté au Witcher jeu vidéo, qui a lui aussi puisé dans les livres pour sa création. Il en résulte une saison 2 techniquement et visuellement presque plus proche d’un jeu, avec ses vastes environnements semblables à un monde ouvert de jeu. Des premiers épisodes que nous avons pu regarder, certains plans sont tournés comme des cinématiques de jeu (à moins que ce soit l’inverse…). Cela est aussi dû au fait que, pandémie oblige, le tournage a été quelque peu perturbé par la situation mondiale. Les images de synthèse sont donc plus nombreuses que dans la première saison, notamment dans les plans larges des villages ou forêts, des champs de bataille survolés aussi.
Au début du Witcher de CD Projekt RED, Geralt, amnésique, est ramené à Kaer Morhen, la forteresse où viennent se former et se ressourcer tous les Sorceleurs de la guilde. Un point clé dans la philosophie et le déroulé du jeu vidéo comme dans la saison 2 où la citadelle est au cœur de l’intrigue. Mais difficile quand on a pu l’arpenter dans l’un d’en avoir une représentation différente dans l’autre. Lauren Schmidt Hissrich le sait et l’a voulue « majestueuse ». « Je voulais montrer que dans la grandeur de cette vieille bâtisse, tout semble grand et vide parce qu’il n’y a plus beaucoup de sorciers », explique-t-elle. « C’est un point essentiel de la saison : la transition des Sorceleurs, ce qu’ils représentent pour le Continent et comment ils ne sont plus aussi importants qu’ils l’étaient avant. »
Ne plus entendre : « Ce n’est pas comme ça que je l’avais imaginé »
Alors que les jeux vidéo ressemblent de plus en plus à des films dans leur conception, Netflix, comme Amazon Prime aussi, va puiser du côté des sagas à succès du jeu vidéo pour concevoir ses productions. Qui sert le plus la cause de l’autre ? « C’est une excellente question », analyse Lauren Schmidt Hissrich. « Les deux s’apportent. Je pense que la transition la plus difficile pour un fan de jeu vidéo qui voit son jeu en film ou en série, c’est qu’il n’est plus aux commandes. Quand vous dirigez un personnage, vous l’incarnez. Vous faites des choix en jouant, ce qui est totalement impossible au cinéma. C’est sans doute pour cela que la première réaction de beaucoup de joueurs est souvent : “Ce n’est pas comme ça que je l’avais imaginé, pas comme ça que je l’aurais fait” », relativise la productrice.
Selon elle, passer du jeu vidéo au cinéma demande de prendre du recul et de se laisser porter par « un autre voyage ». Et elle a un message pour tous ceux qui refusent le billet : « Vous finirez peut-être par aimer davantage les jeux. Avec The Witcher, aborder la série comme un simple voyage dont vous n’êtes pas responsable, c’est avant tout s’asseoir et profiter. C’est ça la meilleure façon d’expérimenter le passage d’un jeu à sa version filmée. »
En tout cas, si le jeu vidéo emprunte les codes du cinéma, ce dernier a bien compris que les codes du jeu pouvaient l’aider à étendre son champ d’action pour séduire de nouveaux joueurs… pardon, spectateurs.
The Witcher Saison 2 arrive le 17 décembre sur Netflix.
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