À la veille du lancement de Cyberpunk 2077, alors que les PS5, Xbox Series X et cartes RTX 3080 et 3090 sont introuvables, le cloud gaming est-il la solution pour jouer correctement ? Nous avons testé GeForce Now et Stadia sur des jeux récents pour dresser un bilan actuel des solutions disponibles.
Noël approche et les éditeurs de jeux ont sorti leurs plus gros titres pour être sûrs d’être présents sous le sapin de tous les joueurs. Watch Dogs Legion, Cyberpunk 2077, Call of Duty… il y en a pour tous les goûts, encore faut-il avoir la machine pour les faire tourner dans les meilleures conditions, ce qui n’est clairement pas le cas de tout le monde.
À défaut d’avoir une PS5, une Xbox Series X ou une RTX 3080 sous le sapin faute de stock, il est toujours possible de se tourner vers le cloud gaming pour profiter d’une bonne expérience. Un an après le lancement des offres les plus marquantes, nous avons voulu vérifier s’il était possible en 2020 de jouer dans de très bonnes conditions sur ces services, quelle que soit la machine. Pour cela, nous avons choisi des ordinateurs qui ne sont pourtant pas taillés pour du jeu : un Chromebook Acer Spin 13 d’un côté et un PC Asus ZenBook UX430 de l’autre. Le tout avec une connexion fibrée 1 Gbps.
Le premier est un Chromebook plutôt haut de gamme, mais il reste toutefois assez limité avec son processeur Intel Core i7 8550U, ses 16 Go de RAM LPDDR3 et surtout sa puce graphique Intel UHD Graphics 620. Le deuxième n’affiche pas une meilleure configuration avec un Intel Core i5-8250U, 8 Go de RAM DDR4 et le même iGPU Intel UHD Graphics 620. Autant dire que ce ne sont pas des machines pensées pour profiter de jeux en Ultra avec du ray tracing. À moins que…
Notez que nous avons voulu illustrer cet article par des vidéos de gameplay, mais que la compression de la capture vidéo sur Chromebook ne rendait pas hommage aux jeux testés et aux services de cloud gaming cités.
La magie du cloud gaming
En 2020, nous avons vu les services de cloud gaming se multiplier et se renforcer pour devenir une réalité commerciale. On peut par exemple citer Amazon Luna, présenté en septembre et encore indisponible en France, ou encore le jeu dans le cloud avec le Xbox Game Pass Ultimate, restreint à un catalogue bien défini qui nécessite souvent d’attendre plusieurs mois avant de profiter des derniers jeux du moment s’ils ne sont pas produits par l’un des studios de Microsoft.
Nous avons donc décidés de nous concentrer sur les deux services qui seront capables de vous proposer Cyberpunk 2077 le jour de son lancement, sur n’importe quelle machine et sans téléchargement, à savoir GeForce Now et Google Stadia. Nous pourrions également citer Shadow, qui offre du cloud computing, mais ses offres sont plus onéreuses et il ne permet pas de s’affranchir de l’installation du jeu et d’autres détails dans le genre.
Premier test sans ray tracing : Assassin’s Creed Valhalla
Après une centaine d’heures à affronter les bugs d’Assassin’s Creed Valhalla sur Xbox One S tout d’abord, puis sur Series X, il m’était impossible de passer à côté du dernier best-seller d’Ubisoft pour comparer la qualité des différents services et de la dernière console de Microsoft. Et je dois dire que je n’ai pas été déçu par ce que j’ai pu constater.
Sur Stadia
Mon premier essai s’est déroulé du côté de Stadia, où en quelques clics j’ai pu récupérer le jeu (acheté une nouvelle fois pour l’occasion) et ma sauvegarde. Rappelons que le principe du cloud gaming de Google se rapproche davantage d’une console que d’un PC et il n’est pas possible d’y régler un quelconque paramètre de qualité graphique. Tout au plus la luminosité et le contraste, comme sur une console de salon donc.
C’est là que le premier problème se pose, aussi mineur soit-il : il est impossible de modifier la définition du jeu, et donc son ratio d’image. Ce qui n’est pas gênant sur un écran 16:9 le devient alors tout de suite un peu plus sur un écran plus exotique, comme celui d’un Chromebook en 3:2 par exemple. On s’y sent vite à l’étroit avec ses bandes noires en haut et en bas.
À côté de cela, la finesse des graphismes se montre un peu décevante par rapport à ce que propose une Series X. Les détails sont moins nombreux et la qualité des ombres, des nuages ou encore de la végétation est loin derrière. À ce niveau, on se rapproche davantage de ce que propose une One S. Du clipping (des éléments visuels qui se chargent en retard, donnant l’impression qu’ils apparaissent de nulle part) est également à noter.
Mais est-ce jouable ? Si le jeu se montre stable, globalement le cloud gaming montre certaines limites ici sur des mouvements rapides de caméra. Sans que cela vienne saccader ou empêcher de jouer correctement (c’est le cas sur One S où les QTE sont difficiles à réaliser), on ne peut s’empêcher de noter comme un ralentissement sur certaines actions, loin d’un framerate idéal.
Sur GeForce Now
Sur GeForce Now, c’est une tout autre philosophie. Inutile de racheter le jeu si vous l’avez déjà sur PC (ce qui n’était pas mon cas), c’est cette version, une fois votre compte Steam ou Ubisoft Connect qui tourne sur un serveur distant. Et qui dit version PC dit également multiples paramètres graphiques.
Mon premier réflexe ? Le même que tout le monde : tout d’abord, passer la définition du jeu en 1920×1200 pixel (16:10) pour se rapproche du format 3:2, puis pousser tous les taquets au maximum. Un petit tour dans le benchmark intégré au jeu m’indique une moyenne de 71 images par seconde en Ultra, voilà qui semble prometteur.
Le constat est sans appel, le jeu est beaucoup plus beau. Plus beau même dans ses effets que sur Xbox Series X. Il est plus contrasté, plus nuancé, et parfois moins lisible, à dessein, pour poser une ambiance plus tamisée et angoissante lorsque c’est nécessaire. Dans les détails, notons également la gestion des ombres et des reflets améliorée et la végétation plus dense.
Le framerate y est aussi beaucoup plus agréable et gère bien plus efficacement les mouvements rapides de caméra. On peut noter quelques sautes de frame de temps en temps, mais au vu du nombre de bugs sur Assassin’s Creed, toutes plateformes confondues, il est difficile de dire si cela vient de la plateforme de streaming ou du jeu lui-même.
Avec du ray-tracing : Watch Dogs Legion
Pour aller plus loin, et savoir si ces plateformes pourraient faire tourner Cyberpunk 2077 ou un autre jeu à venir dans ses meilleures conditions graphiques, il fallait tester un jeu disposant de ray tracing : Watch Dogs Legion.
Sur celui-ci, il faut avouer que l’écart est présent, mais sera certainement moins visible par le joueur peu exigeant. Une nouvelle fois, Stadia ne propose pas de configuration graphique, alors qu’on en trouve en pelletée sur GeForce Now. Pour autant, il faut avouer que les développeurs ont très bien optimisé leur copie et que l’on peut jouer dans d’excellentes conditions dans les deux cas.
Ici, pas de saccade, la version Stadia se veut parfaitement fluide et jouable avec des effets graphiques poussés et des reflets dans tous les sens au point que l’on se demanderait presque si les serveurs de Google ne sont pas passés à la 2e génération. Les flaques d’eau, les fenêtres et les voitures reflètent les illuminations de la ville et le résultat est plutôt impressionnant.
Pour autant, on notera quelques différences qui prouvent qu’il ne s’agit sur Stadia que d’une simple réflexion d’espace. Le reflet de notre héros par exemple s’affiche correctement sur GeForce Now, alors que seule son ombre est projetée sur les voitures sur Stadia. C’est un tout petit détail, et cela ne se remarquera vraiment qu’en y prêtant particulièrement attention.
Les ombres projetées sur les bâtiments créent également un flou et des bugs graphiques sur Stadia, preuve que le service a encore des progrès à faire sur les performances des jeux.
Certes, le soin apporté à la qualité graphique est donc bien meilleur sur le service de Nvidia, mais pas au point de gâcher l’expérience de jeu, loin de là.
Quelques soucis inhérents au cloud gaming
Au-delà de la simple qualité visuelle (que nous avons testée sur davantage de jeux, sans que l’on puisse tirer vraiment des conclusions différentes), le cloud gaming porte également une autre promesse : celle d’une prouesse technologique permettant de lisser l’expérience et de la rendre transparente et sans friction. Malheureusement, certaines limitations viennent encore se poser et les frictions sont bel et bien là.
Pour réduire l’input lag, Stadia propose par exemple sa propre manette qui se connecte au serveur en WiFi. Celle-ci est cependant un enfer à connecter et lors de ces tests, je me suis finalement résolu à brancher une manette de Xbox qui trainait sur mon bureau après de multiples tentatives de connexion ratées.
Sur GeForce Now, le principal problème se situe plutôt à la connexion du service. Les jeux étant gérés par des plateformes tierces (Steam, Ubisoft Connect, Epic Games, GoG…), il est nécessaire de lier son compte. Que ce soit sur Steam ou Ubisoft Connect, il m’a été demandé de rentrer mes identifiants à CHAQUE session. C’est d’autant plus frustrant que cette zone du service se situe sur un serveur américain configuré avec des touches en QWERTY, ce qui est perturbant pour rentrer un mot de passe dont les caractères sont cachés. La connexion à Ubisoft Connect m’a également demandé une double authentification pour chaque connexion, considérant chaque session lancée sur une machine différente. On est loin de l’expérience sans accroc d’une console.
Tout aussi gênant, si ce n’est plus, GeForce Now ne gère qu’une certaine partie du matériel et empêche l’utilisation de certains éléments hardwares. C’est par exemple le cas des touches de fonction d’un chromebook, empêchant ainsi de gérer le volume ou la luminosité de l’écran sans sortir du jeu, ou encore de faire une capture d’écran à l’aide d’une simple combinaison de touches. Des actions pourtant possibles sur Stadia.
Une compression du flux vidéo
Enfin, il est important de relever la différence entre le rendu du jeu et celui du flux vidéo envoyé au joueur. Quelle que soit la qualité du jeu sur les serveurs de Nvidia et de Google, l’image est ensuite compressée en h264 ou en h265 pour permettre le streaming. Voyez cela comme la compression effectuée par Netflix ou un autre service de streaming vidéo. Quand bien même vous pouvez bénéficier d’une image en 4K, le résultat n’est jamais aussi propre que sur un Blu-ray lu en local.
Durant les séquences de gameplay, ce n’est pas quelque chose de visible, l’œil du joueur étant concentré sur l’action, mais lors des cinématiques, c’est une autre histoire. Dans certaines zones de l’image, aussi bien sur Stadia que GeForce Now, on remarque que les dégradés de couleurs souffrent d’artéfacts de compression. Ce phénomène est particulièrement visible sur un ciel censé être uniforme, qui se retrouve alors discrètement haché en zones de couleurs. C’est là un point qu’il sera particulièrement difficile à corriger au niveau actuel de technologie et surtout de bande passante.
Peut-on jouer avec n’importe quelle connexion ?
La bande passante et la stabilité de la connexion sont d’ailleurs des éléments primordiaux pour le cloud gaming. J’ai donc réalisé plusieurs essais pour dégrader volontairement les conditions de jeu.
Connecté en Ethernet à une Livebox Orange 1 Gb/s, chaque service tourne bien évidemment comme un charme. Les joueurs les plus exigeants jouant à la frame près, la question pourrait se poser, mais pour des expériences solo en open world, vous ne devriez pas ressentir de différence majeure entre un service de cloud gaming et un jeu tournant en local.
En WiFi
Vient la question du WiFi. Après tout, les appareils utilisés dans ce test ne possèdent pas de port RJ45 et nécessitent donc de passer par un adaptateur ou de couper le cordon.
Sur un WiFi 5 GHz, Stadia se comporte étonnamment bien et on pourrait aisément ne pas faire la différence avec une connexion câblée. Il faut dire que le service tourne même sur un WiFi 2,4 GHz, avec cependant quelques pertes de paquets ici et là entrainant un très léger freeze de moins d’une seconde à l’écran.
Ici, GeForce Now s’en sort un peu moins bien. Si la stabilité reste globalement au rendez-vous en 5 GHz, on relève quelques pertes de paquets mineures. Elles n’empêchent pas de jouer, mais montrent une stabilité moins efficace que sur Stadia. En 2,4 GHz en revanche, l’expérience devient tout de suite beaucoup plus difficile et un jeu rapide et exigeant des réflexes comme Dead Cells par exemple peut rapidement se montrer beaucoup moins agréable.
Bien que n’entrant pas dans ce test, le cloud gaming de Xbox, disponible sur Chromebook via l’application Android, se montre plus malin dans sa gestion des mauvaises connexions. En jouant au rogue-lite de Motion Twin dans les mêmes conditions, on remarque des pertes sur des lignes horizontales de l’image, faisant parfois ressembler le jeu à une vieille VHS usée. Et pourtant, malgré ce défaut visuel, la fluidité du jeu y reste suffisante pour jouer et combattre le Main du Roi.
Avec un réseau bridé
Plus loin de la box, avec un réseau bridé à 50 Mbps, il devient tout de suite beaucoup plus difficile de jouer dans de bonnes conditions. À ce petit jeu, GeForce Now décroche rapidement, alors que Stadia tourne dans des conditions pouvant éventuellement envisager des titres lents qui ne craignent pas les saccades. On voit cependant apparaître des artéfacts de compression bien plus visibles, comme une pixellisation d’une zone de l’écran.
Notez qu’en fonction de votre configuration et de votre connexion, l’image peut également être plus flou à certains moments.
Quel service de cloud gaming pour jouer à Cyberpunk 2077 ?
Il est temps de dresser un bilan de cette expérience visant à faire le point sur l’état de Google Stadia et GeForce Now en cette 2021. Le premier point à relever est qu’il est bien sûr nécessaire de posséder une connexion assez stable chez soi pour en profiter convenablement, quelles que soient les conditions. À défaut de fibre, une connexion VDSL peut se montrer suffisante, mais on vous conseille alors de l’utiliser avec un câble RJ45 pour l’utiliser à son plein potentiel.
Quant à ce que peut donner un jeu gourmand comme Cyberpunk 2077, le constat est moins tranché. Sur GeForce Now, vous pourrez profiter d’une qualité graphique optimale, certainement plus élevée que sur une PS5 ou une Xbox Series X (d’autant qu’il faudra attendre 2021 pour que le jeu puisse vraiment tirer partie du hardware de ces nouvelles consoles). Si vous n’avez pas de RTX 3090 ou de RTX 3080 dans votre PC, c’est peut-être une solution à envisager.
Sur Stadia, le bilan est plus difficile à dresser puisque cela dépend du soin apporté par les développeurs du jeu à l’optimisation du titre sur cette plateforme, cette dernière disposant d’une architecture qui lui est propre. À défaut de ray tracing matériel, le moteur doit gérer de lui-même les réflexions, ce qui joue évidemment sur les performances, mais aussi sur le résultat final. D’un studio à l’autre, l’expérience peut donc être totalement différente, du très mauvais au très bon et il faut attendre les tests dédiés à la plateforme avant de pouvoir réellement se décider.
Comme quoi, finalement le PC reste toujours la plateforme de prédilection pour le jeu dans les meilleures des conditions en 2021.